Tâche d'huile - Nouvelle par Qiraï

A la demande de Sylfean je post ma première novelette, écrite en juin 1991, bonne lecture


TACHE D’HUILE


- Monsieur Witchert, asseyez-vous, je vous prie. Et surtout calmez-vous ! Maintenant rappelez-moi les faits en détails.
L’homme qui venait de s’asseoir dans le bureau de l’inspecteur Woody Starc était grand, la cinquantaine, les cheveux bruns coiffés en arrière, en costume et cravate. Il n’arrêtait pas de serrer et desserrer ses mains, en regardant dans le vide.
- Je ne sais pas par quoi commencer... Dit-il.
- Eh bien, monsieur Witchert, par le début ! Dites-moi comment cela est arrivé ?
Woody essayait de ramener le calme chez son interlocuteur. Assis dans son fauteuil, le sourire franc, Woody avait besoin de connaître tous les détails.
- Voyez-vous, inspecteur, je suis un homme respecté dans cette ville, et je ne voudrais pas que cette affaire, heu... S'ébruite.
- Soyez assuré, monsieur le Député, que rien ne sortira de ce bureau, racontez-moi je vous prie.
Légèrement détendu, l’homme se ramassa en arrière, joignit ses mains et parla.
- Je rentrais chez moi ce jour-là, lundi vers dix-sept heures trente, ma voiture faisait un bruit bizarre, alors je me suis arrêté à la station service de la quatrième rue. Les lumières du garage étaient allumées, alors j’ai cru qu’il était ouvert, mais il n’y avait personne, alors j’ai fait le tour par derrière et je l’ai vu étendu à terre.
- Vous avez donc aperçu le corps de Jefferson Bridges, le garagiste, allongé par terre, annonça Woody. Et qu’avez-vous fait ensuite ?
- Eh bien, il ne bougeait plus, il était couché sur le dos, il y avait plein de sang par terre. J’ai crié et...
Le Sénateur se tait brusquement, son visage rougit de honte.
- Et vous vous êtes enfuis ! En laissant le corps de Bridges se vider de son sang ! Enchaîna Woody, en regardant sévèrement son interlocuteur. Il continue.
- Vous avez quand même eu la présence d’esprit d’appeler les secours avec votre portable, ce qui nous a permis de vous retrouver !
Le Sénateur ne dit plus rien, il regarde ses pieds, en marmonnant.
- Je suis vraiment désolé, mais j’ai eu peur, ce n’est que dans ma voiture que j’ai eu l’idée de téléphoner aux pompiers. Vous allez m’arrêter, n’est-ce pas ?
- Hum, émit Woody, pour non-assistance à personne en danger, vous en auriez pour quelques mois avec sursis, c’est tout.
Le Sénateur eu un imperceptible sourire et se relâcha dans le fauteuil.
- Bien, puis-je à présent partir ? Demande-t-il en se levant.
- Asseyez-vous, monsieur Witchert, clama l’inspecteur Woody Starc. Car l’histoire ne s’arrête pas là !
Woody se penche en avant et lance un doigt accusateur vers le Sénateur.
- Vous rappelez-vous la panne qui vous a amené au garage de Bridges ? Cette panne qui vous a tout de même permis de vous enfuir ?
- Heu... Prononça le Sénateur, en s'affalant dans son fauteuil. Non, dit-il.
- Vous aviez une perte d’huile moteur, une huile très particulière, monsieur, que seules les bmw utilisent. Nous avons confiés votre voiture à nos spécialistes, qui nous ont assurés que c’est la même huile qui a été trouvée sur les mains et les habits du garagiste !
Le Sénateur ne dit pas un mot, il écoutait, son visage devient grave.
- Si vous avez pu repartir, c’est grâce à Bridges, qui a réparé votre voiture juste avant sa mort.
Le Sénateur se lève brusquement en élevant la voix.
- Comment osez-vous m’accuser de meurtre ? Moi, votre propre Sénateur !
- Je vous conseil vivement de vous rasseoir... Sénateur. Prononça calmement Woody.
Interloqué, l’homme décide de se rasseoir.
- J’en parlerai au Chef de la Police, vous aurez de mes nouvelles ! Dit-il.
Woody sourit largement, avant de répondre.
- C’est justement à sa demande que je vous interroge, dit-il. Saviez-vous que votre femme entretenait une liaison avec Bridges, monsieur Witchert ?
Ce dernier crispe ses mains sur le fauteuil, mais ne répond pas.
- Nous avons interrogé votre femme, poursuit Woody, c’est elle qui aurait dû conduire la voiture au garage, mais vous y êtes allé à sa place. Vous avez fait réparer la voiture, puis vous avez froidement assassiné Bridges !
Le Sénateur se lève brusquement et se dirige vers la porte.
- J’en ai assez de ces mensonges ! Je m’en vais !
- Non monsieur Witchert, vous allez rester avec nous de longues années encore... De très longues années dans notre hôtel particulier.
La voix posée et calme de l’inspecteur troubla le Sénateur, qui se retourne doucement.
- Que voulez-vous dire ?
- Voyez-vous Sénateur, Bridges n’était pas stupide, il vous connaissait. Dans votre précipitation à vous enfuir, vous n’avez pas remarqué la tâche d’huile à côté du corps.
- Une tâche d’huile ?
- Il y avait votre nom écrit dedans, Sénateur ! Bridges était mourant, mais le nom était parfaitement lisible !
Le Sénateur devient très pâle. A ce moment, deux policiers entre dans la pièce et passent les menottes à ses poignets.
Au moment de partir, Woody lance une dernière phrase au notable assassin.
- Mauvais choix pour un Sénateur, vous avez perdu un électeur !
- Pourquoi dites-vous ça ? Demande l’homme, abattu.
- Parce qu’aux dernières élections, Bridges avait voté pour vous...

=D Vraiment sympa la nouvelle ! ^^ le scénario est bien mené et on ne s'ennuie pas une seconde en la lisant =)